AU NOM DE QUELLE PASTORALE ?
Pascal, 13 ans, vient de
mourir accidentellement. Consternation dans le quartier où il é tait
estimé. C’était un gentil garçon, disent les gens, il aimait rendre service,
faisait volontiers les courses des personnes âgées de l’immeuble. Sa mère
frappée de douleur, vint trouver le curé de sa paroisse qui lui
dit : « Pas question de célébrer une messe pour Pascal, ni de le
faire entrer à l’église, Pascal n’était pas baptisé ! »
« Pas baptisé, rétorque la mère,
mais c’est vous-même qui avez refusé de baptiser mon petit lorsqu’il avait
trois ans ! Soit disant que c’était trop tard ! ».
« On ne vous voit jamais à l’église, lui fut-elle
répondu. »
« Jamais à l’église ? Comment
voulez-vous que j’y aille ? J’ai quatre gosses, mon mari m’a laissée, je
dois travailler pour les élever, mais je suis croyante, je prie peut être plus
que d’autres que vous voyez tous les jours ! Et quand il m’arrive d’y
aller dans votre église, vous n’êtes
jamais là pour me voir ! » »
Le refus est définitif, il faut donner
un exemple dans la paroisse. La nouvelle catéchèse (le grand mot est lâché
!) ne fait pas de concessions à la sentimentalité, elle ne se confine pas dans
la distribution des
sacrements !
La pauvre mère s’en va meurtrie et
révoltée.
Une voisine de l’immeuble voyant cette
femme qui ne veut pas que son enfant soit enterré comme un chien, donne
l’adresse de l’Eglise Sainte Marie.
La mère vient nous confier sa douleur,
son amertume, son indignation. Je l’écoute ! Elle a besoin de soulager sa
souffrance et d’exprimer sa révolte !
Nous la rassurons, Pascal sera accueilli et une messe
sera célébrée pour lui. Nous lui
faisons comprendre que Pascal est aussi enfant de Dieu et qu’il a été accueilli
avec toute la tendresse du Père des miséricordes.
Nous lui demandons d’excuser le confrère
qui, de bonne foi, a cru bien faire en appliquant une loi qui n’a rien à voir
avec l’Evangile.
Elle est apaisée, réconfortée, elle me
serre les mains, elle pleure de reconnaissance. Quel dommage qu’on n’ait pas su
trouver le chemin du cœur ! Et pourtant l’Evangile n’est-il pas l’annonce d’un
amour sans mesures ?
Le jour de l’inhumation, le cercueil de Pascal est
entouré par ses camarades, ses amis, les voisins de l’immeuble, tous émus par
cette mort si brutale et si pénible.
A la fin de l’office, un voisin
s’approche du célébrant : « Merci mon père pour ce que vous avez fait
et pour ce que vous avez dit. Cette
famille est peu connue, sans impact sur l’opinion, aucun journal n’en fera
mention, elle n’appartient pas à la classe des gens en situation. Elle fait
partie du petit peuple qui trime tous les jours et qui se bat, avec tant de mal
pour survivre, merci de ce que vous avez fait pour elle, pour ses camarades et
pour l’Eglise. »
Nous mesurons combien un simple geste
d’amitié peut toucher les cœurs ou les blesser à jamais, lorsqu’il est
refusé !
Nous nous
sommes seulement posé une question ! Qu’aurait fait le Christ à notre
place ? N’aurait-il pas ouvert ses bras et son cœur à cette détresse
humaine, lui qui a été ému d’émotion, comme le rapporte saint Luc, lorsqu’il
vit cette pauvre veuve porter en terre son fils unique ! Celle-ci absorbée
dans son chagrin ne lui avait rien demandé, elle ne l’avait même pas vu, C’est
lui qui, spontanément, voyant la détresse de cette pauvre mère, lui
avait redonné son fils vivant !
Ne pouvait-on pas, au nom de Jésus de
Nazareth, accueillir cet enfant et faire comprendre à toute sa famille et à ses
amis, que Dieu était le plus tendre des
Pères, que son amour inconditionnel était pour tous ses enfants, baptisés ou non ! Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné
son fils unique afin que le monde soit sauvé par lui. Le monde ! Tout le
monde ! Quand arriverons-nous à comprendre cela ? L’Eglise n’est pas
une secte, elle est la famille de Dieu ! Pourquoi ce renouveau
d’intégrisme et d’élitisme
pastoral ?
Nous avons reçu une mission : celle de
révéler l’amour infini de Dieu en Jésus-Christ, celle de manifester sa
miséricorde, sa compassion et son pardon.
C’est la mission de toute église qui se
dit chrétienne ! Que l’histoire de Pascal soit la dernière que nous ayons la tristesse d’évoquer. L’Eglise doit être ouverte à
tous. C’est au nom du Christ Jésus, qu’elle doit accueillir tous ceux qui
viennent à elle. L’Eglise ne doit pas
fermer sa porte, au nom d’une institution ecclésiale, si vénérable
soit-elle, qui ferait passer ses lois, avant ceux de l’Evangile.
Mais est-ce bien l’institution elle-même qui est en
cause où tout sim-plement le manque d’une certaine intelligence du cœur,
indispensable à tout ministère clérical ?
Je le crois ! Car, heureusement, je
connais bien prêtres qui côtoient,
chaque jour, la vraie pauvreté spirituelle
et qui savent, au nom du Christ, comprendre et soulager la grande misère des
hommes…
Père Maurice Cantor.