Mars 2001

LA VIEILLE SARAH...

 

Comme elle était vieille, cette pauvre Sarah, toute courbée sous le poids des ans et de la maladie. Une tumeur maligne lui rongeait les entrailles. St Luc qui était médecin, nous dit qu'elle souffrait d'épuisantes pertes de sang…

Comme tout le monde, elle avait entendu parler de Jésus de Nazareth. On disait tant de merveilles de ce nouveau prophète qui parcourait la Galilée…

Sarah était croyante, comme la plupart des filles d'Israël. Elle avait appris que ce Jésus était compatissant pour toutes les misères humaines. N'avait-il pas sauvé de la lapidation, cette pécheresse bien connue dans la région ?

Jésus avait été le témoin de la souffrance de la veuve de Naïm qui enterrait son fils unique. Elle était abîmée dans sa douleur et ne l'avait même pas vu ! Emu de compassion, Jésus avait ressuscité son fils. Quant à l'aveugle de Jéricho, il criait à tue-tête": Jésus fils de David, aie pitié de moi ! "et Jésus l'avait guéri , lui aussi, à cause de sa foi.

Tout cela passe et repasse dans la tête de la vieille Sarah. Elle se dit qu'elle aussi, elle aurait bien besoin d'être guérie. Mais, comment faire ? Elle n'osera pas l'aborder en face, ni lui expliquer son mal devant toute la foule. Elle sait ce qu'elle va faire, elle va tout simplement le toucher et elle sera guérie.

Alors, elle se faufile péniblement à travers la foule qui la presse, qui la bouscule sans ménagement.

La voilà enfin, toute proche de Jésus, encore un effort et elle tend la main vers ce grand manteau que portent tous les juifs de son époque.

Elle le touche quelques instants et le serre avec confiance, mais elle est bousculée et s'accroche, malgré elle, au vêtement. Jésus s'arrête: "Qui vient de me toucher ?" Pierre et Jean interviennent : "Comment peux-tu poser cette question, tout le monde te presse de tous côtés ! ". " Non, dit Jésus, quelqu'un m'a touché ".

Jésus promène lentement son regard autour de lui et tombe en arrêt devant Sarah. Elle voit qu'elle a été découverte, pleine de confusion et de crainte, elle tombe à genoux, aux pieds de Jésus, comme l'a fait la pécheresse de Bethsaïda.

Humble et tremblante, elle explique, devant la foule, en pleurant, son geste audacieux. Les pharisiens qui l'écoutent, disent que c'est une folle, une superstitieuse, une idolâtre, qu'elle a perdu le sens, c'est encore une de ces pauvres folles qui courent après le prophète. Jésus la relève, comprend la beauté et la grandeur de son geste de foi et lui dit : " Femme, que ta foi est grande, qu'il te soit fait selon ta foi ! Va en paix ! "

Sarah se relève guérie, elle regarde une dernière fois ce visage extraordinaire de Jésus qui rayonne tant de bonté et de compassion. Plus que son pauvre corps, c'est son cœur qui a été guéri par ce regard plein de bonté de Jésus qui a eu pitié d'elle. Jamais, de toute sa vie, elle n'oubliera cet instant !

Les pharisiens, témoins de la scène et ceux de tous les temps, en sont pour leurs frais. Cette élite religieuse reste prisonnière de son aveuglement, de ses questions perverses, de son prétendu savoir, de son entêtement à vouloir ramener Dieu à sa mesure et de lui interdire d'agir selon la toute-puissance de son amour.

La pauvre Sarah n'avait pas de licence en théologie, elle ignorait tout des subtilités dogmatiques, elle ignorait le Credo, mais elle était allée à Jésus avec son cœur et sa foi. Elle espérait tout de lui. Plus tard, Thérèse de l'Enfant Jésus, dira dans le même esprit : " On obtient du bon Dieu, autant qu'on espère de lui ". Qui voudrait aujourd'hui ne pas saisir ce manteau du Christ ? Qui ne voudrait pas tendre la main vers Jésus, s'accrocher à lui, pour lui demander non seulement la guérison du corps, mais celle du cœur ? C'est toujours possible !

Le secret, c'est de fendre la foule de nos hésitations et de nos doutes, c'est de nous approcher du Christ, comme cette vieille Sarah, avec la même confiance et la même simplicité ! C'est de rester accroché aux pans de son manteau et de le suivre, car là où il est, nous serons avec lui.

   Mgr Maurice cantor

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