NOVEMBRE  2001

IL LE COUVRIT DE BAISERS…

Vous lui auriez dit quoi, vous, au «  fils prodigue  »?

Moi, j’aurais certainement commencé par lui dire ses « quatre vérités » afin qu’il sache de quoi j’allais lui pardonner. J’aurai pu aussi exiger une mise à l’épreuve, pour tester le sérieux de son retour. Ou bien l ’expédier séance tenante travailler dans les champs, pour qu’il rembourse d’abord l’argent perdu. Car enfin, ce garçon, quel gaspilleur ! et puis, revenir parce qu’il a faim, c’est un peu court comme motif de contrition !

Oui, mais le Père, lui n’a rien fait de tout cela. Dès le départ du fils, il s’était mis à guetter son retour. Et c’est pourquoi, ce jour-là, il l’aperçut, alors qu’il était encore loin. Et il le reconnut dans ce gueux vieilli par la fête, débraillé et barbu. Il le reconnut, car son visage, effacé par les autres, tenait toujours dans son cœur à lui.

Et  il courut se jeter à son cou et le couvrit de baisers. Vous avez entendu : pas un baiser, sur sa joue creusée. Non ! il le couvrit de baisers. Partout, sur son front, sur sa barbe sur ses haillons. Et peut être même sur ses pieds qui lui ramenaient son fils chancelant.

Pourquoi cela ? Mais, frères, parce que Dieu sait voir dans votre cœur ce que vous-même, parfois, ne savez plus y voir : un fond d’amour, tout grelottant peut être et pourtant tout prêt à resurgir, pour peu qu’on le réchauffe. Et quoi de plus urgent que de réchauffer l’amour ?

Oh! , Frère, ne jamais oublier que l’important n’est pas de juger, ni même d’exiger d’abord que l’on répare. L’important est d’aimer. D’aimer assez pour ranimer l ’amour dans cet enfant blessé que je suis toujours lorsque je suis pécheur.

Mon Dieu, je le sais, je ne réparerai mon échec que si je crois qu’on m’aime encore. Et c’est pourquoi, Seigneur, jamais tu ne me désespère. Car jamais tu ne désespère de moi. Amen.

Du Père Robert Collas. BREF PROPOS. Edition Siloë
Du même auteur : A travers le Feu. Siloë


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