JUIN 2002

 

    QU’EST-ELLE DEVENUE ?

 

Cette bonne nouvelle de l’Evangile, cette  proximité inouïe de Dieu auprès des hommes en Jésus Christ ?

 

En ce temps là, le royaume était offert à tous, sans distinction, avec une prédilection spéciale pour les plus éloignés, les plus faibles. Il n’y avait pas d’exclus au grand  scandale des pharisiens qui disaient de Jésus :  «  Il est l’ami des pécheurs ! » A cette époque, les rigueurs de la Loi Juive démarquaient les bons et les mauvais. Il y avait les parfaits et ceux qu’on  appelait : « les maudits ! »

 

Ce qui scandalisa les pharisiens et les docteurs de la loi fut précisément l’enseignement de Jésus qui disait : «  je ne suis pas venu pour les justes, mais pour les pécheurs »

Son comportement  de convivialité à leurs égards leur était insupportable « Il mange avec les pécheurs  ! » disaient-ils !

         Jésus a multiplié les gestes de bonté et de pardon qui sont restés les témoignages les plus émouvants de la vie de Dieu parmi les hommes. Dieu, en effet, a assumé en Jésus Christ toute notre condition humaine avec toutes ses faiblesses, ses limites, hormis le péché.

         Il a connu la souffrance, la trahison et la mort sur la croix. Il s’est identifié au plus miséreux, au plus pauvre, au plus dépouillé :

         « J’avais faim et vous m’avez donné à manger »

         « J’étais malade et vous m’avez visité »

 

Qu’en n’est-il aujourd’hui de cette ouverture évangélique ?

Combien de gens, combien de familles viennent nous trouver parce qu’ils n’ont pas été jugés dignes d’être accueillis dans leur paroisse ?

Aujourd’hui, ne faut-il pas montrer patte blanche pour entrer  dans l’élite de la  société ecclésiale ? Sur quels critères les uns et les autres sont-ils jugés ?

 Est-ce bien toujours ceux que le  Christ lui-même a laissés à ses apôtres ?  Est-ce bien encore la même  bonne nouvelle  de l’Evangile ?

Les décrets, les lois ecclésiastiques se sont multipliés au cours des siècles. N’ont-ils pas imposés des critères, souvent arbitraires, parfois politiques, et souvent, plus réservés à une élite intellectuelle, qu’à  ceux qui auraient  eu le plus besoin d’être secourus, accueillis, compris ?

 

 L'académicien Alain Peyrefitte a relevé cette dérive dans son livre : le Mal Français. 

" L'Eglise , qui n'est pas romaine pour rien, a toujours essayé de résoudre ses crises par la rigidité juridique chaque fois que surgit un problème grave, elle ne réagit pas par des moyens spirituels ou moraux, mais par un surcroît de réglementation ». (Le mal français) Plon.

N’est-ce pas le mal de toute institution qui, à force de  vouloir tout  régenter, s’écarte finalement  de l’esprit de son fondateur et rejette  ceux qui devaient en bénéficier ?

         Un excès de puritanisme, quelque peu hypocrite, met hors de la communauté, nombre de familles auxquels on refuse de baptiser leurs enfants ou de les marier à l’Eglise, sous prétexte qu’ils ne sont pas à la hauteur des exigences de la foi d’aujourd’hui !

 

Mais de quelle foi s’agit-il ? Celle de l’institution ecclésiastique ou celle de l’Evangile ?

La frontière qui donne accès au royaume n’est pas d’ordre intellectuel, de  moral ou de mérite ! Elle est fondée sur la miséricorde et la compassion infinies du Christ Jésus.

         C’est un amour concret, permanent, gratuit, qui vient au secours de tous ceux qui sont nés de la volonté de Dieu  qui accueille  les pauvres et les pécheurs.

          Mais impossible d’accueillir le royaume, si soi-même on ne s’ouvre pas à l’accueil de l’autre. «  Ce que vous avez fait au plus petit des miens, c’est à moi que vous l’avez fait ! »

 

         La tendresse et la miséricorde de Dieu pour nous, ne peuvent se réaliser sans notre tendresse et notre miséricorde pour les autres. L’homme ne peut rencontrer Dieu,  s’il ne commence pas par rencontrer ses frères.

         Jésus nous livre ainsi l’ultime vérité de son message.

         Celui qui ouvre son cœur à la misère de son frère, s’ouvre aussi  à la tendresse de Dieu.

         Comment comprendre, alors, cette nouvelle pastorale qui, délibérément et de bonne foi, (mais que ne fait-on pas au nom de la bonne foi !) rejettent, par la force des choses,  certaines familles, sans même essayer de trouver un moyen de conciliation acceptable… Nous sommes bien placés pour le savoir !         

 

Ce qui est difficile à comprendre, c’est l’exigence cléricale pour un idéal absolu de perfection qu’ils exigent des autres et dont ils se dispensent parfois trop souvent eux-mêmes.

          Il faut être honnête ! Il n’y a pas trente six sortes de natures humaines. Elle est la même pour tout le monde !

 

 L’histoire de l’Eglise, depuis sa fondation, à commencer par  les plus hauts dignitaires jusqu’au dernier des moines, n’a pas toujours été un exemple de perfection !

 La sainteté, c’est Dieu qui la donne et tous  les saints sont au ciel ! Sur terre, ils restent des pécheurs pardonnés.

Et les vrais saints sont toujours les plus humbles et les plus charitables.

Ils ont vraiment conscience de leur grande pauvreté et de l’infinie miséricorde de Dieu à leur égard.

C’est ce qui fait qu’ils sont si attachants et si nécessaires à la vie de l’Eglise.

Nous sommes loin de l’intransigeance de certains responsables  qui, bardés de diplômes, semblent assez éloignés  de l’ouverture  évangélique !

 

         Ne faut-il pas avoir mesuré sa grande pauvreté, sa misère profonde, pour comprendre celle des autres et leur témoigner ainsi la même compassion que chacun est  bien aise de s’accorder à lui-même ?

         Sans être complètement aveugle,  certains  ne souffrent-t-ils pas  d’une myopie intellectuelle et spirituelle  en ce domaine ? S’ils voyaient plus clair en eux-mêmes, ne seraient-t-ils  pas portés à plus de miséricorde et de compassion  envers les autres ?

Ne seraient-ils pas plus soucieux d’accueillir les pauvres et d’ouvrir les portes du royaume plutôt que de les fermer au nom d’une perfection qui n’appartient qu’à Dieu seul ?

 

         Il y a aussi un autre facteur qui pèse sur la pastorale. C’est une loi qui a fait ses preuves et qui n’est pas prête de disparaître ; celle de la pression culturelle de chaque époque sur la manière de concevoir l’accueil du royaume…Elle a beaucoup varié au cours des siècles !

         Autrefois, Saint Rémi, évêque de Reims,  baptisait Clovis et ses milliers de soudards ! Il se réjouissait de les faire   entrer dans l’Eglise ; Aujourd’hui, on ferme la porte aux pauvres qui demandent d’y entrer !

 

Le baptême est-il toujours nécessaire au salut ? Il semblerait que ce ne soit plus le cas aujourd’hui ! Vérité d’hier, erreur d’aujourd’hui ? Qu’est devenue toute la fraîcheur des premiers temps évangéliques ?

N’est-ce pas, cependant, cette bonne nouvelle,  enseignée par le Christ Jésus, qui soit toujours, à travers les siècles, la seule véritable source d’amour, capable de toucher les cœurs et de donner aux vrais pauvres que nous sommes tous, cette ultime et unique espérance ?    

 

Père Maurice Cantor.

 

 

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