UNE PASTORALE A REBOURS !
Dieu s'est révélé à nous en Jésus Christ pour que nous puissions mieux le connaître et mieux l'aimer. A ses apôtres, à toute l'Eglise, il a donné la mission d'annoncer à tous la bonne nouvelle de l'Evangile, en précisant qu'il est venu, non pour les justes, mais pour les pécheurs, non pour condamner mais pour sauver.
Ce qui est incompréhensible c'est que depuis le Concile de Vatican II, l'Eglise applique une pratique sélective, élitiste, une sorte de discrimination, un choix souvent arbitraire, pour l'accueil et la dispense de ses sacrements.
Pour le Baptême, combien de refus essuyés, combien de démarches entreprises pour se voir finalement interdire ce sacrement.
Le cas de cette famille n'est pas unique, et nous sommes bien placés pour le savoir. Elle réside dans une paroisse de Rouen rive gauche.
Elle est allée voir son curé pour faire baptiser son fils Nicolas. Elle essuya un refus. Persévérante, elle se rendit dans la paroisse voisine : même refus. Elle alla dans une troisième paroisse: même réponse. Enfin, elle tenta sa chance dans une quatrième : même rejet. Il y aurait eu de quoi décourager les meilleurs. Point du tout. Une voisine au courant de ses démarches infructueuses, lui conseilla d'aller enfin à l'Eglise Sainte Marie.
Aussitôt, elle vint nous voir avec son mari, en nous confiant son désarroi.
" Cela fait quatre paroisses que je vais voir pour baptiser mon petit, toutes m'ont refusé de le faire ".
Je lui demandais alors pour quelle raison cette famille avait essayé quatre refus, ce devait être bien grave !
"C'est tout simple" me dit-elle: " Mon petit a quatre ans ! il suce encore son pouce ! Et ils n'ont pas voulu nous le baptiser parce qu'il a quatre ans, il aurait eu trois ans et trois mois, cela aurait peut être pu aller, mais quatre ans ! Non ! "
Elle ajouta : " Ils se plaignent de ne plus avoir de monde et ils se demandent pourquoi ! Mais, ils le cherchent bien ! S'ils ne sont pas là pour baptiser, qu'est ce qu'ils font ? "
Je suis arrivé à la calmer un peu, mais je comprenais son irritation et j'admirais sa persévérance. Bien sûr qu'on allait baptiser son petit. Sa demande était justifiée par la foi chrétienne de ses parents, l'enfant avait été souvent malade, et sa mère hospitalisée de longs mois. Les circonstances particulières de la maladie expliquaient en partie ce délai de quatre ans.
Bien sûr que nous allions baptiser son enfant. C'est bien notre mission. Le cas serait différent s'il n'y avait aucun signe de vie et de foi chrétiennes.
Mais tout de même : Faire quatre paroisses pour s'entendre dire que trois ans et trois mois, trois ans et six mois, cela aurait pu aller, mais que quatre ans, c'était impossible ! Quelle histoire ! Quelle chinoiserie ! Il y a vraiment de quoi hésiter aujourd'hui, à tirer les sonnettes de certains presbytères ! Est-ce cela, la nouvelle pastorale du Concile ? Pas étonnant que les églises se vident et que les gens partent ailleurs ou qu'ils abandonnent malheureusement toute pratique religieuse !
Qu'en est-il de la mission reçue du Christ ? Quel gâchis ! Ce n'est pas suffisant que les paroisses soient sans curés, il faut encore rejeter ceux qui viennent y chercher la vie sacramentelle ! En fait d'accueil pastoral, c'est plutôt à rebours ! Est-ce vraiment l'Evangile de Jésus Christ, capable de révéler son amour, de gagner nos cœurs et d'augmenter la foi ?
Il y a quelque chose de grave dans cette attitude sectaire de l'Eglise d'aujourd'hui. Sous prétexte d'élitisme, elle abandonne une classe sociologique; en fait, elle abandonne les pauvres, ceux dont la foi avait autant de profondeur et de valeur que celle de cette femme dont nous parle Saint Luc, qui touchait le bord du manteau du Christ pour être guérie.
Le Christ l'avait exaucée en raison de sa foi.
Une foi que l'Eglise d'aujourd'hui rejette comme obscure, insuffisante, condamnable.
Je reste avec ces pauvres, dont je partage l'obscurité, mais comme eux, j'y mets toute mon espérance, laissant au Christ le soin d'accueillir l'indigence de ma foi. Cette lumière, telle qu'elle est, brille et se consume dans la grande pauvreté et les difficultés de nos vies de tous les jours.
Elle est la grande espérance des pauvres.
Notre mission n'est pas d'éteindre la mèche qui fume encore ou de briser le roseau déjà froissé, notre mission est de tendre la main à celui qui tombe, de l'aider à se relever, comme le Seigneur le fait pour chacun de nous.
Une Eglise qui deviendrait sectaire, sans com-passion, sans véritable amour, pour ceux qui restent sur le bord du chemin, nous pose une pénible interrogation et une grande souffrance…
Cette Eglise, avec ou sans jubilé, vit-elle encore du souffle de cet amour inconditionnel qui l'a fait naître pour apporter la vie, à ceux qu'elle avait mission d'aimer en priorité: les pauvres; ceux qui sont loin de la perfection et qui voudraient tout simplement qu'on les aide à découvrir cet amour insensé du Christ pour lequel ils ont été créés. Ils savent qu'ils n'en sont pas dignes, personne ne l'est d'ailleurs. Mais tout est grâce et c'est le chemin secret de nos misères que Dieu emprunte toujours pour nous révéler son amour. L'oublier est la pire des erreurs et des suffisances.
Ce n'est pas en rejetant les gens, en leur fermant la porte au nez, en les privant des sacrements de la vie spirituelle, que les hommes d'églises resteront fidèles à leur mission: celle d'annoncer la bonne nouvelle de l'amour inconditionnel de Dieu, c'est en partageant la pauvreté de la condition des hommes et en les aimant vraiment à l'exemple du Christ, Dieu fait homme, pour donner un sens à leur vie.
Mgr Maurice Cantor
Eglise Ste
Marie. B.P. 5
76131 Mt St Aignan cedex